Le maquignon
| L'homme était grand, pansu et rougeaud.Tout le contraire de sa femme, une grenouille de bénitier revêche et décharnée. Ce maquignon aurait pu être épicurien s' il n' avait abusé des plaisirs de l' existence. Les bons gueuletons bien arrosés et les femmes constituaient les deux pôles d' attraction de son existence. Dur en affaires, il n' avait pas son pareil pour vendre à prix d' or un vieux canasson de réforme. A l' approche de Noël, ayant fait de bonnes affaires à la foire du canton, il décida de s' offrir un peu de bon temps. N' ayant pas trouvé d' amour gratuit, il dût se contenter d'une professionnelle. Après avoir longuement marchandé le prix de la passe, il régla la demoiselle par chèque. Il faut vous dire que c' était au moment du passage aux Nouveaux Francs. Quand l' homme fit sa comptabilité le soir, il s' aperçut avec horreur, qu' il avait rédigé son chèque en ANCIENS francs : soit 10 000 ! ! Mais la belle de passage, ravie de l' aubaine, avait déjà encaissé le chèque depuis longtemps ! |