Une vie de chien
Voilà tout se termine ici. Avec une piqûre mortelle. Après cet accident stupide, ils ont décidé que j'étais un fléau pour la société, et que je méritais la peine de mort.
Dès le début, ça avait mal commencé petit, j' ai été arraché à ma famille. A ma mère qui me nourrissait si bien et mes fères et soeurs avec lesquels nous jouiions tant à qui serait le plus fort, au grand dam de maman .
Je me suis retrouvé dans une cage, dans un endroit qui sentait la peur et l' insécurité.
Dans la journée, il y avait beaucoup d' allées et venues, mais la nuit ! Ô la nuit ! Ils pleuraient tous........ Je m' enhardis à demander où nous étions.
" En enfer ou au paradis ! ça dépend sur qui tu tombes" me fut-il répondu.
Autant dire que je n' en savais pas plus qu'avant. Petit à petit,au cours de la nuit, j' appris que j'étais dans un magasin où l' on vend des animaux.
Un serpenteau de Thaïlande raconta son kidnapping, puis un crocodilet d'Australie, puis un cacatoèsounet du Brésil, puis un ........et encore un autre....un chaton éperdu de peur.........un bébésinge ivre de manque d' amour se rongeait les pattes..." Invendable" disait l' iguane dont les dermatoses suppuraient.
Mais, nous avions tous le même espoir : être adopté ! Nous avions appris le sens de ce mot : une famille, des gens qui vous aiment et vous choient.......le paradis !
Et puis, un dimanche, une famille m' adopta. Ce fut le plus beau jour de ma vie depuis ma séparation d' avec les miens.
Dans ma nouvelle maison, j' avais tout ce dont un chiot peut rêver, et surtout de l' amour. Qu' est-ce que j' étais heureux !
Quand des invités venaient chez nous, mon papa m' exhibait fièrement en disant :
" Regardez, c' est un ........( je n' ai jamais compris le mot, mais ça voulait dire qu' ils plaçaient beaucoup d' espoirs en moi, ce dont je me sentais très fier )
Quand il sera plus grand, je vais le faire dresser, et vous allez voir !"
Mon enfance passa comme dans un rêve. Et puis vint le temps de mon éducation. Génial ! Courir, sauter, attaquer l' homme de paille......je n' avais que des compliments de ma famille ! J' étais leur orgueil.
" T' as vu comment il t' a accueilli mon fauve ? Ah ah ah ! Ils peuvent venir les voleurs ! J ' ai mon comité d' accueil ! Non mais regarde-moi cette bête ! et....."
Et puis, tout d' un coup, ces scéances de sport qui me plaisaient tant se sont arrétées. Mais, toujours ma famille était fière de moi.
"Attaque, mon chien, attaque ! " Et moi, pauvre pomme, je partais à l' attaque de moulins à vent pour le plus grand plaisir de ma famille qui ne se souciait pas de me rappeler. D' ailleurs, l' auraient-ils fait, je n' aurais pas obéi, n' ayant reçu aucune éducation pour ça.
Le temps passait.....Je m' ennuyais.....S ' il n' y avait pas eu les " attaque mon chien! attaque !" dont ils étaient si fiers, j' aurais pu penser qu' ils ne m' aimaient plus.
Petit à petit, je sombrais dans ce que les humains appellent la dépression nerveuse. Mes 70 kg de muscles avaient besoin d' exercice, de plein air.....au lieu d' un recoin qui désormais était le mien......
"Attaque mon chien! Attaque! " était ma seule distraction....... Avec la certitude d' un gardien à la maison, l' amour que ma famille me portait s' était amenuisé.
Petit à petit, les souvenirs de mon enfance me revenaient en mémoire.
Il parait que les humains aussi se rappellent leurs souvenirs d' enfance quand ils vont mal.
Le jour de l' accident, j'étais avec petit maître.C' est mon préféré celui-ci. Nous jouiions tous les deux comme d' habitude. Soudain, j' entendis la voix de papa :
"Attaque mon chien ! attaque ! "
Je meurs d' avoir mordu mon meilleur ami.
Je meurs d' avoir obéi à un ordre imbécile. Je meurs parceque on m' a dressé à attaquer et pas à obéir .Je meurs parcequ'on m' a dressé à tuer. Je meurs parceque si on m' avait dressé à obéir mon petit maître serait à côté de moi entrain de jouer, au lieu de pleurer.................
Adieu.